Fonds de Développement de la Nyanga : Enquête sur la Promesse des 7 Milliards du Président


Des vidéos devenues virales, un homme en colère au volant sur une piste défoncée, et une question qui résonne bien au-delà des frontières de la province de la Nyanga, où sont passés les 7 milliards de francs CFA ? Le coup de sang d’Armel Ferryse Djegou Mikala, activiste devenu Conseiller au ministère du Commerce, a jeté une lumière crue sur ce qui apparaît être l’un des premiers grands scandales de la gestion des fonds de développement sous le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI).
Un cri du cœur qui devient une affaire d’État
En déplacement dans sa province natale pour les célébrations de la « Libération », Armel Mikala n’a pas filmé des paysages, mais le visage de l’abandon.
D’un côté, une aire de jeux pour enfants, colorée mais jugée « dérisoire » et dont il estime la valeur à « même pas 10 millions ». De l’autre, le calvaire de la route en terre battue menant au village de Pégnoundou et l’état catastrophique de l’axe stratégique Tchibanga-Mayumba.
« Vous avez reçu l’argent comme les autres ! », lance-t-il, s’adressant implicitement aux responsables locaux et nationaux. Cette indignation, venant d’un membre du gouvernement, transforme une critique citoyenne en une potentielle crise de gouvernance.

7 Milliards pour rompre avec l’isolement
Pour comprendre l’ampleur de la polémique, il faut remonter à 2024. Dans un élan visant à promouvoir un développement équilibré, Brice Clotaire Oligui Nguema alors Président de la Transition, annonçait l’allocation d’une enveloppe de 7 milliards de FCFA à chacune des neuf provinces du Gabon.
Cette manne financière, totalisant 63 milliards, était destinée à financer des projets prioritaires choisis localement comme les routes, la santé, l’éducation, ou encore l’eau potable.
Pour la Nyanga, l’une des provinces les plus enclavées du pays, cet argent représentait l’espoir de voir enfin les chantiers routiers, vitaux pour son économie, aboutir.

Chantiers à l’Arrêt et Dépenses Douteuses
Plus d’un an après, le constat d’Armel Mikala est amer. Les travaux sur l’axe Ndendé-Tchibanga sont au point mort. Le bitumage de la route Tchibanga-Mayumba, serpent de mer de la politique gabonaise, n’a visiblement pas progressé d’un kilomètre.
Plusieurs questions se posent et exigent des réponses claires des autorités compétentes, notamment du ministère des Travaux Publics et des Finances.
Les 7 milliards ont-ils été entièrement décaissés par le Trésor Public et transférés aux comptes de la province de la Nyanga ? Quels sont les circuits et les signataires autorisés pour ces dépenses ? Quels marchés publics ont été financés par cette dotation ?

La construction de l’aire de jeux critiquée a-t-elle fait l’objet d’un appel d’offres transparent ? Quelle entreprise l’a réalisée et pour quel montant exact ?
Pourquoi les travaux sur les routes stratégiques sont-ils à l’arrêt ? Les entreprises en charge ont-elles été payées ?Qui a décidé d’allouer une partie de ce budget à une aire de jeux plutôt qu’à la réhabilitation urgente des axes économiques vitaux ?
La sortie d’Armel Mikala force le débat sur la place publique. Les populations de la Nyanga, et par extension celles des huit autres provinces, sont en droit de demander des comptes.

Une enquête indépendante et un audit complet de l’utilisation de ces 63 milliards semblent désormais inévitables pour que la promesse de la « Libération » ne se transforme pas en une désillusion de plus.
Le gouvernement est aujourd’hui sommé de prouver que les anciennes pratiques sont bel et bien révolues.